Le récent rapport de la MECSS (Mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale) portant sur les achats hospitaliers a mis en exergue, parmi un certain nombre de points de vigilance, le sujet des modalités d’adhésion des établissements de santé aux accords-cadres en cours d’exécution. La mission a d’ailleurs recommandé d’engager une opération de sensibilisation à la régularité de ces adhésions au regard du droit européen de la commande publique.
La coordination, la mutualisation ou l’externalisation des achats présente de nombreux atouts pour les acheteurs publics: optimisation des dépenses internes par la réduction des coûts de procédures, développement conjoint d’expertise en cas de groupements de commandes, recentrage de l’acheteur public sur des achats spécifiques ou particulièrement stratégiques etc. Cependant, elles ne peuvent être opérées sans une parfaite maîtrise du cadre juridique associé comme en témoigne cette actualité récente. Décider de coordonner ou mutualiser ses achats exige une parfaite connaissance des possibilités offertes par le droit de la commande publique autant qu’une maîtrise des techniques correspondantes.
Le recours à l’une des trois techniques d’achat suivantes constitue, en pratique, la réponse à une problématique particulière de l’acheteur.
Je souhaite acquérir immédiatement un bien ou une prestation
Le recours à une centrale d’achat intervenant comme grossiste répond particulièrement à cette attente eu égard à la disponibilité immédiate de l’offre et à la simplicité de la passation de commande. L’acheteur est alors, conformément au droit, considéré comme ayant respecté ses obligations de publicité et de mise en concurrence. À titre d’exemple, l’Union des groupements d’achats publics (UGAP), établissement public industriel et commercial, est une centrale d’achat (article L. 2113-2 du code de la commande publique ou CCP) comme l’est par exemple l’Économat des armées (article R. 3421-2 du code de la défense).
Ces deux centrales d’achat sont les seules, à ce jour, à opérer quasi exclusivement en qualité de grossiste, donc dans une activité d’achat pour revente. Elles prennent seules en charge le déroulement des procédures de passation du marché public en assumant la responsabilité de la légalité de la procédure.
Je souhaite me regrouper, ponctuellement ou durablement, avec des acheteurs identifiés pour des achats en commun de produits, services ou travaux
Ce choix peut correspondre soit à la situation d’achats récurrents spécifiques entre acheteurs publics opérant des missions semblables, soit à la nécessité de répondre à un projet ou opération spécifique d’une durée limitée. Si le produit ou service recherché est disponible auprès de la centrale d’achat agissant en tant que grossiste et en parfaite adéquation avec le besoin, le recours à cette structure peut être opportun, eu égard à sa rapidité et sa simplicité.
Plus classiquement, la constitution d’un groupement de commandes peut être envisagée, conformément à l’article L. 2113-6 et suivants du CCP. Ce dispositif présente de nombreux avantages, notamment en termes de partage d’expertise et d’objectifs achats. Il appelle toutefois la plus grande vigilance dans la rédaction de la convention constitutive du groupement (durée, objet, caractère ponctuel ou pérenne, coordonnateur, rôles et responsabilités, modalités d’adhésion et de retrait des membres) et l’éventuelle constitution d’une commission d’appel d’offres. En matière de travaux, si la maîtrise d’ouvrage ne peut être déléguée au coordonnateur, le recours au groupement de commandes peut s’avérer complexe et n’est pas des plus adapté. Le cas échéant, la co-maîtrise d’ouvrage est plus indiquée.
Je souhaite externaliser certains de mes achats et accepte d’assurer l’exécution de mon marché
Le recours à une centrale d’achat agissant en tant qu’intermédiaire est la réponse à cette attente. Ce modèle est celui généralement constaté au sein des centrales d’achats spécialisées ou territoriales créées ces dernières années. L’UGAP, agissant quasi-exclusivement en tant que grossiste, a pu toutefois utiliser ce modèle, plus adapté à certains achats comme l’électricité ou le gaz naturel.
Ce modèle peut être considéré comme une forme de groupement de commandes, avec toutefois des spécificités:
- une convention entre les acheteurs et la centrale d’achat n’est pas obligatoire, bien que vivement conseillée ;
- les acheteurs peuvent décider de confier tout ou partie de la procédure de passation du marché public à la centrale d’achat en réalisant eux-mêmes, par exemple, la remise en concurrence, en application d’un accord-cadre.
S’agissant de ce type de montage, des points d’attention méritent d’être rappelés:
- les documents de la consultation doivent clairement préciser la répartition des tâches entre la centrale d’achat et les acheteurs
- l’acheteur ne peut prendre en charge la passation des marchés subséquents ou des bons de commande que si, et seulement si, il a été identifié dans l’accord-cadre et s’il en est partie ;
- l’acheteur demeure responsable du respect des dispositions applicables pour les opérations de passation ou d’exécution du marché public dont il se charge lui-même.
L’effectivité de ces dispositions a été confirmée par un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 19 décembre 2018 qui précise que l’acheteur potentiellement bénéficiaire de l’accord-cadre à une date ultérieure doit être clairement désigné comme tel «dans les documents d’appel d’offres par une mention explicite qui soit de nature à faire connaître cette possibilité tant au pouvoir adjudicateur "secondaire" lui-même qu’à tout opérateur intéressé».
En conclusion
Que ce soit pour les acheteurs publics (rapidité, simplification, sécurisation, dématérialisation des commandes et des factures, optimisation économique, intégration des politiques publiques, retour statistiques) ou pour les entreprises (point unique de commandes, de factures et de paiement, interlocuteur unique lors de l’exécution), le modèle de la centrale d’achat agissant en tant que grossiste apparaît être le plus performant et, sans doute, celui appelé à se développer.
Toutefois, pour des achats non couverts par ce type de structure ou encore dans un souci de mutualisation d’expertise spécifique, le recours au groupement de commandes ou à la centrale d’achat agissant en tant qu’intermédiaire doit être considéré avec intérêt. Le choix en faveur de cette seconde voie doit être opéré en parfaite connaissance des exigences : l’acheteur devra être préalablement déclaré dans la procédure concernée, être partie prenante à l’éventuel accord-cadre et sera engagé par le choix réalisé et les conditions économiques et techniques associées.
Le risque encouru par les acheteurs hospitaliers, en cas d’absence de mention d’un établissement acheteur dans le texte initial de l’accord, est - faut-il le rappeler- celui d’une annulation des marchés concernés.