La e-santé est un facteur inéluctable de disparition, de transformation et de création d’emplois. La question n’est pas tant de savoir quand cela va arriver ou quelles tâches seront impactées, mais plutôt comment faire évoluer les missions de chacun. L’une des réponses à cette question est de miser sur l’évolution des métiers en considérant la e-santé comme un moyen d’augmenter les possibilités et les capacités des professionnels, mais également d’améliorer la qualité des soins.
Dans un secteur où le manque de ressources est sans cesse dénoncé, il faut saisir la chance donnée par la e-santé pour augmenter les possibilités des équipes tout en améliorant la qualité des soins. L’exemple des exosquelettes illustre au moins partiellement cette proposition. Certains exosquelettes facilitent en effet la manutention des patients par les personnels de soins afin de gagner du temps et réduire les risques de troubles musculo-squelettiques. D’autres modèles sont destinés à l’assistance aux mouvements et sont utilisés dans la prise en charge des victimes d’accidents vasculaires cérébraux. Contrairement aux patients qui utilisent des appareils d'assistance passifs (tels que des orthèses), ceux qui sont équipés d’exosquelettes montrent une amélioration immédiate des performances de marche (Awad et al., 2017).
Cet exemple montre les trois avantages potentiels de ce type d’outil : améliorer la qualité de vie du patient grâce à un rétablissement plus rapide et plus efficace, faciliter le travail des personnels en les mobilisant moins longtemps pour un même patient (et affecter le temps libéré à des tâches à forte valeur ajoutée) et enfin, favoriser la réalisation d’économies considérables pour la société en proposant des séjours plus courts et un retour à l’emploi plus rapide des personnes hospitalisées.
Les facteurs clés de succès de la e-santé
Pour faire évoluer les pratiques et les métiers, Davenport et Kirby (2015) proposent différentes approches non exclusives qui pourraient être mobilisées de manière fructueuse par les professionnels exerçant dans le secteur de la santé.
L’approche ascendante concerne avant tout cadres et dirigeants. Elle encourage la remise en question continue et une vision systémique de l’établissement et de son environnement, indispensable pour assurer survie et développement dans un monde en mutation permanente.
L’approche parallèle valorise les connaissances tacites que ne connaissent pas (encore) les machines telles que la patience, l’empathie, la bienveillance que l’on peut avoir à l’égard d’un patient en fin de vie.
L’approche inclusive présente le double avantage de maîtriser la machine tout en étant capable d’intervenir sur son fonctionnement. Par exemple, le chirurgien qui opère avec l’assistance d’un robot comme Rosa ou Da Vinci sait analyser les gestes et modifier les choix pour influencer le résultat.
L’approche hyperspécialisée consiste à développer des compétences dont l’automatisation est encore trop difficile et/ou trop chère ; c’est le cas notamment des techniques d’accompagnement proposées par les méthodes Humanitude ou Montessori auprès de personnes désorientées.
Enfin, l’approche anticipatoire pousse les professionnels à être des acteurs de l’innovation, à l’instar des médecins et chirurgiens, chercheurs de l’université John-Hopkins à Baltimore, qui ont mis au point le robot STAR (Smart Tissue Autonomous Robot) qui suture sans intervention humaine.
En résumé et pour conclure, la révolution numérique suggère la mise en œuvre de politiques de e-santé et de transformation numérique ambitieuses au sein des établissements. Sans quoi, certains professionnels pourraient ne plus trouver leur place au sein du secteur, faute de compétences adéquates. Les patients pourraient du même coup être privés de nouvelles formes de prises en charges efficaces, ce qui serait dommageable à la fois en termes sociaux, économiques et de santé publique.