Les équipes mobiles de psychiatrie et précarité, dont les missions ont été précisées par une circulaire de 2005 (1), assurent l’interface entre les structures de soins de droit commun et les travailleurs sociaux qui accompagnent des personnes en situation d’exclusion. La Seine-Saint-Denis compte cinq équipes mobiles, dont quatre dépendent de l’EPS de Ville-Evard.
Charlotte Gallouin, psychologue, travaille au sein de deux équipes mobiles de psychiatrie et précarité dépendant des secteurs 11 et 2 de l’établissement public de santé mentale (EPS) de Ville-Evrard. « La mobilité est un atout majeur pour évaluer les personnes en situation de précarité dans leur environnement de vie, sachant que peu d’entre elles accepteraient de se rendre dans un lieu fixe, explique-t-elle. Nous favorisons l’accès aux soins de personnes en situation de vie complexe et nous représentons une ressource pour les professionnels de première ligne qui décèlent des problématiques de santé mentale sans avoir les outils pour les traiter. Ce sont le plus souvent des travailleurs sociaux qui nous sollicitent lorsqu’ils se trouvent face à des personnes qui ont du mal à formuler une demande de soins ou qui y sont opposées alors que la souffrance psychique est centrale. Nous sommes des « ponts » vers les structures de droit commun, car il n’est évidemment pas question de créer une file active « Précarité ».
Réseau partenarial
Sollicités par des structures d’accueils de jour, les maraudes du Samu social, les services sociaux du département ou des mairies, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale..., les professionnels de l’équipe mobile sont au cœur d’« un véritable réseau partenarial ». Charlotte Gallouin et ses collègues participent ainsi à de nombreuses instances de concertation, au cours desquelles ils peuvent proposer de rencontrer une personne en difficulté pour une évaluation et un accompagnement. C’est par exemple le cas chaque semaine des réunions techniques du service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO). « Nous rencontrons aussi les structures qui s’implantent sur le territoire et nous proposons des temps de rencontre aux équipes qui connaissent un renouvellement important de leurs effectifs », complète la psychologue.
Pluridisciplinarité
Parmi les points forts de la prise en charge : la pluridisciplinarité des soignants. « Notre équipe mobile est composée d’un infirmier, d’une psychologue et d’un médecin psychiatre. Nous accueillons les personnes en binôme car nombre d’entre elles ne sont pas à l’aise en situation de tête-à-tête, poursuit Charlotte Gallouin. Ce travail en équipe permet d’assurer une continuité de la prise en charge car si nous recevons des personnes avec des temporalités très différentes, nous sommes tous informés de l’évolution de chaque situation. Le caractère pluridisciplinaire de l’équipe permet enfin de croiser nos regards. Nos différentes formations nous amènent à évaluer les situations différemment et nous échangeons beaucoup afin d’avoir la vision la plus globale et la moins dogmatique possible ».
Charlotte Gallouin qualifie son métier de « passionnant » même si les exigences sont fortes face à des hommes et des femmes qui parfois ne demandent plus rien, voire même s’opposent à ce qu’on les aide. « Nous devons aborder la question du soin tout en restant à l’écoute de ce que la personne va pouvoir nous dire : qu’accepte-t-elle ? que refuse-t-elle ? Elle doit être en demande d’accompagnement, mais un refus de soins peut aussi signifier qu’elle a besoin d’aide. Au-delà de soigner, nous devons « prendre soin ». Notre formation permet de réfléchir à toutes ces questions en adaptant notre pratique à un contexte difficile. »
Les visages de la précarité
Les équipes mobiles de psychiatrie et précarité sont aussi les témoins des évolutions de notre société et de ceux qu’elle rejette à la marge. « Ces dernières années, nous avons constaté une présence plus forte de migrants ainsi qu’un rajeunissement et une féminisation des personnes que nous rencontrons. La précarité change de visage. L’hiver dernier, dans le cadre des plans grand froid, des gymnases ont été ouverts principalement pour des femmes. Elles sont plus nombreuses à vivre dans la rue. Mais les hommes demandent peut-être aussi moins de mises à l’abri ».
1 - Circulaire N°DHOS/O2/DGS/6C/DGAS/1A/1B/521 du 23 novembre 2005 relative à la prise en charge des besoins en santé mentale des personnes en situation de précarité et d’exclusion et à la mise en œuvre d’équipes mobiles spécialisées en psychiatrie.