Une nouvelle avancée du programme de recherche PsyCARE, associant l'INSERM (U1266) et le GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences, met en évidence un lien entre le risque génétique et le déficit cognitif précédant l’apparition de la schizophrénie.
Les troubles psychotiques*,incluant la schizophrénie, se caractérisent par un ensemble de symptômes traduisant un dysfonctionnement du cerveau: interprétation altérée du monde réel, délires, hallucinations, modification de leurs émotions, difficultés pour réfléchir ou pour s’exprimer (troubles cognitifs), tendance à s’isoler ou à ne plus prendre soin de soi. Cette maladie progressive émerge à l’adolescence et peut évoluer vers la schizophrénie si elle n’est pas traitée suffisamment tôt, mais elle peut se stabiliser et se rétablir si elle est reconnue tôt et si des soins adaptés sont mis en place sans délai. C'est le défi que les derniers travaux du programme PsyCARE pourraient permettre de relever.
Troubles cognitifs et risques génétiques
Les chercheurs de l’équipe du Pr Marie-Odile Krebs, au sein du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, de l’Institut de Psychiatrie et Neurosciences de Paris (INSERM U1266) et de l’Université de Paris, se sont intéressés aux troubles cognitifs, caractéristiques de la schizophrénie, qui précèdent l’apparition de la maladie proprement dite : troubles de l’attention, de la mémoire de travail, de l’apprentissage verbal ou encore des fonctions exécutives (planification, inhibition comportementale…). Ces déficits peuvent être évalués notamment par la mesure du quotient intellectuel (QI).
Il est également connu que la schizophrénie est une maladie complexe faisant intervenir à la fois des facteurs environnementaux (tels que l’utilisation de drogues ou le stress) mais aussi des facteurs génétiques, pour lesquels de nombreux variants communs ont pu déjà être identifiés comme augmentant le risque de développer la pathologie, dans de larges cohortes de patients. Chacun de ces variants a une influence limitée mais des scores de risque polygéniques peuvent être calculés pour chaque patient à partir de la présence de l’ensemble des variants génétiques.
Vers des approches thérapeutiques personnalisées
Cette étude, réalisée par la post-doctorante Dr. Qin He et le Dr Boris Chaumette, a porté sur 107 patients présentant un état mental à risque de développer une psychose. Les chercheurs ont suivi chez ces patients, pendant un an, les performances cognitives et calculé des scores de risque polygéniques pour différentes pathologies psychiatriques, dont celui associé à la schizophrénie.
Les résultats montrent que les déficits cognitifs pourraient précéder l'apparition de la psychose et que l'architecture génétique associée à la schizophrénie aurait un impact sur la cognition chez les patients présentant un état mental à risque.
Ces résultats pourraient ainsi aider à identifier les individus les plus à risque de développer des déficits cognitifs et ceux qui bénéficieraient le plus d’entrainement cognitif. Ils ouvrent ainsi une voie prometteuse pour des approches thérapeutiques personnalisées, adaptées à chaque patient dans les phases précoces de la psychose et basées sur les scores de risque génétiques, comme cela a déjà été proposé pour l’autisme.
Premier objectif : limiter le déficit cognitif
Dans ce contexte, l’équipe du Pr Krebs lance des études visant à mettre en place un entrainement cognitif intensif chez des patients avec une psychose débutante. Cet entrainement reposera sur des tâches réalisées sur des tablettes avec le soutien d’un psychologue qui adaptera le contenu et supervisera les exercices menés par le patient. Les recrutements démarreront prochainement et les patients peuvent être adressés au Centre d'évaluation pour les Jeunes Adultes et Adolescents (C’JAAD) au GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)
*Les troubles psychotiques touchent 2 à 3% de la population. Soit chaque année en France environ 15 000 adolescents et jeunes adultes supplémentaires.