Le dépistage néonatal consiste à dépister des maladies grâce au prélèvement d’une goutte de sang effectué chez les nouveau-nés, trois à cinq jours après leur naissance. Diagnostiquer de manière précoce la présence d’une maladie permet au bébé de bénéficier d’un traitement ou d’une prise en charge adaptée immédiate et de lui donner ainsi les meilleures chances.
Mis en place en France il y a 50 ans, le dépistage néonatal (DNN) concerne sept pathologies (lire l'encadré) et a permis de dépister plus de 24.000 enfants atteints de l’une des six pathologies (hors surdité néonatale).
En février 2022, la Haute Autorité de Santé a proposé d’étendre le dépistage néonatal au déficit immunitaire combiné sévère (DICS), un groupe de maladies génétiques rares. Par ailleurs, des discussions sont en cours pour l’introduction de sept maladies du métabolisme dans le dispositif : leucinose, homocystinurie, tyrosinémie de type 1, acidurie glutarique de type 1, acidurie isovalérique, déficit en déshydrogénase des hydroxyacyl-CoA de chaîne longue et déficit en captation de carnitine.
Le dépistage néonatal repose sur l’identification de marqueurs biologiques simples grâce au test de Guthrie, l’analyse de quelques gouttes de sang permettant d’identifier une anomalie biochimique avant même l’apparition de signes cliniques. Pour certaines maladies, ces marqueurs n’existent pas mais un test génétique simple permet de rechercher l’anomalie génétique à l’origine de la maladie.
Jusqu’en 2021, la réglementation française ne permettait pas l’utilisation de tels outils dans le cadre du dépistage néonatal. C’est pourquoi l’AFM-Téléthon s’est fortement mobilisée depuis 2018 pour que soient adoptées les évolutions règlementaires permettant le dépistage néonatal génétique, ce qu'a permis l’article 27 de la loi de bioéthique du 2 aout 2021.
Depisma, un projet pilote préfigurateur pour l'amyotrophie spinale
"A l’heure actuelle, en l’absence de dépistage néonatal les bébés atteints de la forme la plus grave d’amyotrophie spinale (une soixantaine par an) sont repérés trop tard par le système de santé. En conséquence, ceux qui ont des symptômes encore modérés sont traités mais pas dans la meilleure fenêtre d’efficacité thérapeutique et conserveront des séquelles parfois importantes. Mais pire, ceux pour lesquels les symptômes sont les plus avancés ne sont pas traités et meurent avant deux ans. Le dépistage génétique de l’amyotrophie spinale est la seule solution pour sortir de cette situation inacceptable", souligne Christian Cottet, Directeur Général de l’AFM-Téléthon.
Le projet Depisma, lancée par l’AFM-Téléthon, en collaboration avec les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, le Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux, les Agences régionales de santé Grand-Est et Nouvelle Aquitaine et le soutien de la filière de santé FILNEMUS, répond à cet enjeu. Depisma sera la première étude de dépistage néonatal génétique réalisée en France.
Portée par Le Pr Vincent Laugel, neuropédiatre et responsable du centre de référence des maladies neuromusculaires à l’Hôpital Universitaire de Strasbourg, Centre Promoteur de l’étude, et le Pr Didier Lacombe, généticien et coordonnateur du Centre Régional de Dépistage Néonatal Nouvelle Aquitaine au CHU de Bordeaux, l’étude Depisma a pour objectifs d'évaluer la faisabilité du dépistage néonatal génétique généralisé dans les régions Grand Est et Nouvelle Aquitaine, d'évaluer et de définir des méthodes de dépistage, du prélèvement jusqu’au traitement et de faire la preuve de concept et d’efficacité pour ouvrir la voie à d’autres maladies génétiques rares qui disposeront d’un traitement efficace en présymptomatique.
Grand-Est et Nouvelle-Aquitaine, deux régions pilotes du projet.
Le groupe de travail Depisma a identifié deux régions pilotes pour mettre en place le projet préfigurateur du dépistage néonatal génétique de l’amyotrophie spinale : la Nouvelle-Aquitaine et le Grand-Est qui disposent d’un centre de références pour les maladies neuromusculaires et comptent un nombre important de naissances. Ce programme, qui se déroulera sur deux ans, permettrait de dépister et traiter plus de 30 enfants SMA. Les premiers dépistages devraient être réalisés au 3ème trimestre 2022.
Les étapes du processus
L’amyotrophie spinale est liée à un défaut génétique homozygote (anomalie présente sur les deux chromosomes) du gène SMN1. En l’absence d’un marqueur biologique biochimique, l’analyse consiste à rechercher la mutation responsable de la maladie. Ainsi, à la naissance d’un nouveau-né, lors de la procédure de dépistage « standard » par le test dit de Guthrie, deux gouttes de sang supplémentaires seront prélevées à la maternité et déposées sur un buvard spécifique à l’étude. Ce buvard « SMA », accompagné du consentement parental, sera ensuite envoyé le jour même au centre régional de dépistage dont dépend l’établissement puis l’analyse sera effectuées par le laboratoire de génétique régional.
Trois cas de figure pourront se présenter :
- Aucune mutation n’est détectée.
- L’enfant est dépisté homozygote du gène SMN1, c’est à dire que la mutation présente sur les deux chromosomes déclenche la maladie (1 naissance sur 7.000, soit près de 100 bébés chaque année en France). Les parents et le bébé seront alors pris en charge par le centre de référence des maladies neuromusculaire et un deuxième échantillon biologique sera prélevé et envoyé dans un laboratoire de diagnostic génétique de référence (Rouen) pour confirmer la maladie et affiner le statut génétique du bébé. En cas de diagnostic confirmé, la famille sera accompagnée (consultation génétique, accompagnement psychologique, …) pour une prise en charge adaptée de l’enfant.
- L’enfant est hétérozygote, c’est-à-dire qu’un seul un gène est touché par la mutation du gène SMN1, il n’exprimera pas la maladie et n’est donc pas concerné par le dispositif.
C’est en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), composée de médecins de centres de référence, que sera choisi le traitement le mieux adapté à l’enfant dépisté positif. Le dispositif Depisma a été conçu pour proposer un traitement un mois au plus tard après la naissance, soit dans la meilleure fenêtre d’efficacité des traitements disponibles.
Ce programme dit « préfigurateur » sera évalué un an après son lancement et pourra, si les résultats attendus sont efficients, ouvrir le déploiement du dépistage de l’amyotrophie spinale à d’autres régions, voire à l'ensemble du territoire.
Les coûts de l’étude
Le coût du projet est de 4,8 millions d’euros, soit 22€ par patient. L’étude permettra également de définir précisément les coûts liés au dépistage néonatal génétique de la SMA dans sa phase de plein déploiement. Lorsque le dépistage sera inclus dans les activités des médecins, maternités et autres, le coût par patient sera divisé au moins par deux.
Ce projet est financé par :
- L’AFM-Téléthon à hauteur de 800 000 €.
- Des acteurs institutionnels : ARS Grand-Est (300 000 euros), DGOS (50 000€), Filière Filnemus (60 000 €).
- Un partenariat de soutien financier sans contrepartie avec les laboratoires disposant d‘un traitement contre l’amyotrophie spinale infantile (notamment Novartis Gene Therapies et Roche).
L’étude a également bénéficié de soutiens actifs des Fédération Française de Génétique Humaine, Société Française de Dépistage Néonatal, Société Française de Neurologie Pédiatrique, Direction Générale de la Santé, Agences Régionales de Santé Grand Est et Nouvelle-Aquitaine, Haute Autorité de Santé et Filière FILNEMUS.
- l’hypothyroïdie congénitale : défaut du fonctionnement de la glande thyroïde qui génère notamment un retard mental sévère.
- l’hyperplasie congénitale des surrénales : défaut génétique du fonctionnement des glandes surrénales qui peut déboucher sur des déshydratations aiguës sévères et des troubles du développement génital.
- la drépanocytose : anomalie génétique de l’hémoglobine qui peut se traduire par une anémie persistante, des complications vasculaires, des crises douloureuses et des infections répétées.
- la mucoviscidose : maladie génétique qui entraîne des infections respiratoires sévères et répétées ainsi que des complications digestives.
- la surdité permanente néonatale : déficit sensoriel qui peut entraîner des troubles du développement de la communication, du langage et de l’évolution cognitive.
- Le déficit en MCAD (acyl-coenzyme A déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne) : maladie génétique métabolique qui peut engendrer une hypoglycémie, des troubles du rythme cardiaque ou une atteinte neurologique aiguë.