La Chaire de Gestion des services de santé du Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam) a accueilli l'ancienne ministre Myriam El Khomri pour un webinaire consacré à la fonction RH au sein des services dédiés aux personnes âgées dans un contexte de crise. L'occasion de faire un point sur la question et d'ouvrir des pistes de réflexion.
Car les défis sont nombreux avec notamment un turn-over, un taux d’absentéisme et un taux de sinistralité très élevés: 100 accidents du travail pour 1.000 salariés alors que ce taux est de 60 pour 1.000 dans le secteur du bâtiment, et de 34 pour 1 000 en moyenne. « Nous avons besoin d’une logique d’investissement avec un plan doté de 100 millions d’euros pour financer les aides techniques en Ehpad et à domicile, des formations pour les collaborateurs et la possibilité de les remplacer lorsqu’ils se forment. Malheureusement, le système administratif a pris le dessus sur deux axes essentiels : la qualité de vie au travail des professionnels et la qualité de prise en charge des personnes âgées alors que le sens premier du métier est de prévenir la perte d’autonomie, d’aider à faire. Cet accompagnement touche un enjeu de dignité et de citoyenneté. Il faut augmenter les effectifs en Ehpad et en Ssad. Nous avons aussi proposé qu’un temps collectif de quatre heures par mois soit organisé dans ces structures afin que les professionnels puissent partager leurs pratiques professionnelles », a souligné l’ancienne ministre.
Des clés pour agir
Sur le terrain, la crise sanitaire a malheureusement aussi confirmé le manque de reconnaissance de ces professions : « Les auxiliaires de vie ont eu des difficultés pour récupérer des masques, a rappelé Myriam El Khomri. L’augmentation des salaires et la Prime du grand âge décidées dans le cadre du Ségur de la Santé sont importantes mais le domicile a été oublié. Michel Laforcade travaille d’ailleurs activement sur tous ces sujets ». Pour permettre aux professionnels des services dédiés aux personnes âgées de retrouver du pouvoir d’achat et de la mobilité, la proposition de création d’un fonds pour permettre l’acquisition d’un véhicule personnel a été rappelée tout comme celle de délivrer cartes et macarons professionnels.
Formation
Autre point négatif, les « maladresses » de certains services quant à la qualification des métiers subsistent, qu’il s’agisse de les nommer accompagnant éducatif et social, « un terme infantilisant pour les personnes âgées » ou aide-ménagère, « un terme réducteur qui oublie le prendre soin de la personne ». « Il faut donner plus de lisibilité, créer davantage de passerelles entre AES et aides-soignants pour créer de la polyvalence et lutter contre le temps partiel subi. Nous voulons aussi ouvrir le secteur à l’apprentissage. La voie de l’alternance est importante d’où la proposition de passer de 600 apprentis aujourd’hui à 6.000 dans les années à venir. Il faut également développer la VAE. Aujourd’hui les faisant-fonction doivent bénéficier de la qualification et de la rémunération associées aux actes qu’ils accomplissent. Par ailleurs, la formation d’Assistant de soins en gérontologie (ASG) est extrêmement importante. Les professionnels du grand âge doivent être davantage armés », a indiqué Myriam El Khomri.
Innovations managériales
Ce temps d’échanges a également permis de mettre en lumière de nombreuses initiatives et de nouveaux modes d’organisation dont l’impact est positif à la fois sur le modèle économique, la qualité de vie au travail et la qualité de service auprès des bénéficiaires. Johan Girard, délégué national de la filière «Personnes âgées et domicile» à la Croix-Rouge française a ainsi souligné «les besoins d’éveil des consciences sur l’évolution des modes de management. Pendant la crise sanitaire, alors que nombre de Directeurs d’Ehpad étaient débordés par la situation, nous avons eu des retours d’expérience très positifs de mise en œuvre de solutions d’autonomie par les équipes. La force de leurs propositions et la reconnaissance de leur pouvoir d’agir se sont par exemple traduites par leur implication dans la planification journalière pour répondre aux enjeux de la crise. Ces initiatives traduisent la capacité des équipes à répondre à l’urgence tout en intégrant de l’innovation».
Sandra Bertezène Professeur titulaire de la Chaire de Gestion des Services de Santé et Directrice de l’Equipe pédagogique nationale Santé & Solidarité au Cnam a également appelé «à changer de regard sur l’organisation lorsque l’on est manager mais aussi sur sa propre profession quelle que soit la fonction exercée. Au 21è siècle, il existe toujours des services et établissements basés sur le modèle de la bureaucratie wébérienne ! Nous encourageons aujourd’hui le respect du triptyque confiance, autonomie et responsabilité, individuelle et collective. Le principe de subsidiarité ne peut exister sans cela.»
Myriam El Khomri a, enfin, valorisé le dispositif gouvernemental «Transition collective» qui vise à mettre en lien entreprises qui décrutent et qui recrutent. «L’Etat s’engage à financer rémunération et formation pour aller vers des métiers en tension. Les acteurs du sanitaire et du social doivent s’emparer de ce dispositif», a t-elle conclu.