Le 14 juillet 2004, le Président de la République Jacques Chirac, prononçait des mots prémonitoires pour les GHT… « Il n’y a pas de différend entre le ministre des Finances et moi… pour une raison simple, qui est que, notamment s’agissant de la question des dépenses, je décide et il exécute. »
Comme un établissement support de GHT, le Président marquait ainsi son autorité en cours de second mandat, face à un établissement partie un peu turbulent, caractère qui vaudra cependant à ce dernier de se distinguer dans l’histoire, devenant lui-même établissement support de 2007 à 2012.
Dans un précédent article, nous nous interrogions sur la possibilité, non pas de dissoudre le GHT, mais de le quitter (nul autre que le directeur général de l’ARS ne peut prononcer les mots fatidiques « j’ai décidé de dissoudre le GHT… » ; et encore, il peut surtout imposer la modification de sa convention constitutive). Situons-nous ici un peu en amont de la rupture.
La formule de Jacques Chirac, qui a connu le succès que l’on sait, est intéressante car elle constitue, nous semble-t-il, une figure de style, dans les anacoluthes, qui est le solécisme (une rupture syntaxique tenant ici à une différence entre le sujet de la principale et celui de sa subordonnée : « Il n’y a pas de différend… pour une raison simple… qui est que je décide… »).
Anacoluthe et fonction achat.
Le constat s’impose de lui-même : l’organisation des GHT constitue une rupture syntaxique reposant sur la confusion des sujets et plus précisément sur la confusion du sujet établissement support et du sujet établissement partie (la principale et la subordonnée…).
Je décide et il exécute
L’article L. 6132-3 du code de la Santé publique dispose que « L'établissement support désigné par la convention constitutive assure les fonctions suivantes pour le compte des établissements parties au groupement : (…) 3° La fonction achats. » L’article R. 6145-12 du code de la Santé publique précise le dispositif avec la création d’un compte de résultat spécifique lié aux fonctions transférées à l’établissement support du GHT, le budget G. L’arrêté du 10 novembre 2016 ferme le système avec une clé de répartition déterminant la contribution des établissements parties à un groupement hospitalier de territoire dans les fonctions et activités transférées.
Je décide et il exécute financièrement donc : l’ordonnateur de la dépense est le directeur de l’établissement support (article R. 6145-5 du code de la santé publique) ; l’établissement partie pour lequel il a passé commande demeure cependant le payeur, selon la clé de répartition fixée dans le GHT.
Mais je décide et il exécute matériellement aussi : pour les marchés publics, l’établissement support passe le marché ; que l’établissement partie exécute. L’article R. 6132-16 du code de la Santé publique dispose en ce sens « I.- L'établissement support est chargé de la politique, de la planification, de la stratégie d'achat (…). Il assure la passation des marchés (…). L'établissement partie au groupement hospitalier de territoire assure l'exécution de ces marchés (…). »
Réponse. Solécisme donc, mais quel partage de responsabilité entre ces deux sujets opposés d’une même phrase (qui s’écrit pour le patient…) ?
La logique des GHT est celle d’un transfert de compétence sans création d’une nouvelle entité. Le transfert de compétence s’exerce donc au seul profit de l’établissement support. Le régime de responsabilité applicable est donc celui que l’on applique classiquement en matière d’exercice plein et entier des compétences par une personne publique : si, dans l’exercice de ses compétences, la personne publique cause un préjudice, il lui revient de le réparer. Même dans le cas des GHT – où l’établissement exerce la compétence pour le compte de l’établissement partie – la responsabilité est pleine et entière. Le transfert de compétence vaut donc, aussi, transfert de responsabilité. Ainsi, si dans l’exercice de sa compétence transférée l’établissement support commet une faute (imaginons le cas d’une faute dans la procédure de passation qui conduirait à l’annulation du marché en cours d’exécution), il devra indemniser l’établissement partie à hauteur de son préjudice.
Dans ce cas, sur le perron du GHT, les deux opposants se quitteront sans un regard sans un adieu. C’est déjà une autre histoire.
Pour en savoir plus : Le Blog Houdart & Associés