Les établissements parties au GHT doivent organiser en commun les activités de pharmacie. L’absence de définition juridique de la notion d’ « organisation » conduit les établissements à envisager divers scenarii à l’aune des règles en vigueur en matière de pharmacie à usage intérieur (ci-après « PUI »).
Les règles en matière de PUI ont – rappelons-le – fait l’objet d’une réforme législative au 1er juillet 2017 et un décret du 21 mai 2019 a apporté des précisions. Un autre paramètre se veut également prégnant ; celui de la fiscalité et plus particulièrement de l’assujettissement ou non à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après « TVA »). En effet et en application de l’article 256 B du code général des impôts, il est considéré que l’activité de PUI d’un établissement public de santé est hors champ de la TVA en ce qu’elle participe étroitement au traitement des patients usagers du service public hospitalier. Cependant, lorsqu’il s’agit d’ouvrir l’activité d’une PUI d’un établissement public de santé à un ou plusieurs autres établissements dotés ou dépourvus eux-mêmes d’une PUI, l’exonération de TVA n’est pas acquise pour deux raisons :
- D’une part parce que la fourniture de médicaments et de dispositifs médicaux constitue généralement une livraison de biens qui requiert en principe l’application de la TVA ;
- D’autre part car l’organisation mise en place est susceptible de provoquer des distorsions de concurrence.
Appliquées au GHT et à l’organisation commune des activités de pharmacie, force est de constater que la question de la TVA demeure entière à l’exception des modalités d’organisation déjà connues.
Le GCS gestionnaire d’une PUI commune
Le régime fiscal du GCS gestionnaire d’une PUI commune est connu depuis plusieurs années. Il ne peut bénéficier des dispositions de l’article 261 B du code général des impôts qui exonèrent de TVA les prestations de service rendues par les groupements à leurs membres. La délivrance de médicaments et de dispositifs médicaux par une PUI, à la différence notamment des prestations de stérilisation, est regardée par l’administration fiscale comme une livraison de biens et non une prestation de service. Cette position est, à notre sens, contestable.
Selon l'analyse des services fiscaux, les charges fixes de la PUI participent à sa valeur ajoutée. Le coût facturé au membre par le GCS devrait être le montant hors taxes du produit pharmaceutique additionné aux charges fixes, avant application de la TVA.
La mutualisation de moyens
Il est courant pour les établissements de procéder à des mutualisations de moyens en particulier humains (pharmaciens) afin de répondre à la fois aux difficultés de recrutement mais aussi aux règles encadrant leur temps de présence lors des horaires d’ouverture de la PUI. Le partage d’équipements et notamment de robots pharmaceutiques constitue également un axe de travail fréquent.
Quel que soit l’objet de la mutualisation, il est là encore requis d’être vigilant quant à la facturation des coûts correspondants car la mise à disposition pure et simple de moyens en dehors de toute logique de coopération impose en principe le paiement de la TVA par le bénéficiaire.
S’agissant des « nouvelles » modalités d’organisation prévues expressément pour les GHT, nul ne peut encore établir avec certitude quelle sera l’analyse de l’administration fiscale. Nous n’évoquerons ici que l’hypothèse où une PUI est chargée de répondre aux besoins d’établissements dépourvus de PUI, pour laquelle nous sommes souvent sollicités.
L’article L. 5126-2 du code de la santé publique prévoit en son I que la PUI d’un établissement peut être désignée pour répondre aux besoins pharmaceutiques des patients pris en charge par les établissements parties au GHT ne disposant pas d’une PUI.
Il pourrait être argué que cette organisation - qui plus est promue par les pouvoirs publics - ne saurait être pénalisée par une fiscalisation et un assujettissement à TVA aux motifs qu’il ne s’agit pas d’une vente de produits pharmaceutiques au public mais d’une organisation visant à répondre aux besoins de patients du service public.
En effet, le rôle de la PUI est d’assurer la qualité et la sécurité des soins, notamment par la délivrance de médicaments après mise en pilulier spécifique pour chaque patient ou encore la réalisation de préparations magistrales et hospitalières à partir de matières premières ou de spécialités pharmaceutiques. Dès lors, aucune distorsion de concurrence ne saurait être caractérisée.
Une autre hypothèse qui dépasse le seul cadre des GHT intéresse également les établissements ; la réalisation par une PUI de missions pour le compte d’une autre PUI.
L’article L. 5126-1 du code de la santé publique prévoit que les missions d’une PUI « peuvent être exercées par la pharmacie à usage intérieur pour son propre compte, et dans le cadre de coopérations, pour le compte d'une ou plusieurs autres pharmacies à usage intérieur. »
S’agissant d’un dispositif récent, l’administration fiscale ne s’est à ce jour pas prononcée sur le régime fiscal applicable. Toutefois, il pourrait être opportun de solliciter l’application de la théorie dite des débours selon laquelle les intermédiaires n'ont pas à assujettir à la TVA les sommes que leur remboursent leurs commettants dans la mesure où ces remboursements, qui, correspondant à des dépenses engagées au nom et pour le compte de leur mandant, ont donné lieu à une reddition de compte précise, sont inscrits dans des comptes de passage et sont justifiées dans leur nature ou leur montant exact auprès de l'administration fiscale.
Seule l’obtention d’un rescrit fiscal permettrait de déterminer si la TVA s’applique et selon quelles modalités.
En tout état de cause, l’application de la TVA ne doit pas nécessairement être appréhendée comme une charge supplémentaire pénalisante. Il ressort ainsi des témoignages des GCS gestionnaires d’une PUI commune que l’application de la TVA est en générale bénéfique dès lors que des investissements significatifs sont réalisés compte-tenu du différentiel de taux de TVA entre celui pesant sur les médicaments et dispositifs médicaux et celui pesant sur les investissements.
L’assujettissement à la TVA permet en effet de récupérer la TVA d'amont non seulement sur les médicaments acquis et revendus mais également sur les biens acquis en vue de cette activité soumise à TVA. Elle permet également de récupérer une quote-part de la taxe sur les salaires liée à l'activité soumise à TVA.
Tout reste à faire !
Laurine JEUNE & Liselotte LARUE
Pour en savoir plus : Le Blog Houdart & Associés