L’Association des directrices et des directeurs d’Hôpital (ADH) organise ses 30èmes Journées Nationales les 2 et 3 juin 2022 au Parc Floral (Paris), sur le thème « J’aime mon Hôpital – Quand la performance est d’abord humaine ». Entretien avec Vincent PREVOTEAU, Président de l’ADH, directeur des Centres Hospitaliers de Rodez, de Decazeville, d’Espalion, de Saint Geniez d’Olt, de l’Hôpital intercommunal du Vallon et de l’Ehpad d’Aubin, Président du Comité Stratégique du Groupement Hospitalier de Territoire du Rouergue.
Pourquoi avoir choisi la thématique « Quand la performance est d’abord humaine » pour les Journées de l’ADH ?
Tout d’abord, la marque ADH 2022 – « J’aime mon Hôpital » – traduit notre attachement intangible à l’Hôpital Public et aux valeurs qu’il porte, et que les hospitaliers font vivre jour après jour. La performance que nous évoquons est une performance globale, avant tout fondée sur la qualité et la sécurité des soins et sur l’action collective. Après plus de deux années de crise, l’Hôpital Public, qui est un des piliers de la République, continue à faire face.
Au titre de mes fonctions, comme « artisan de territoire », nous avons été confrontés à un drame dans un des établissements que je dirige, le Centre Hospitalier de Decazeville (1), qui a été en grande partie détruit par les flammes il y a moins de deux semaines. Ce que nous avons dû vivre est aussi un témoignage de la primauté de la performance humaine et un exemple de la force du collectif. Je parle fréquemment de « chaîne de soins », de « chaîne d’union de soins » pour souligner la place de tous les professionnels, quels que soient leurs grades et qualités et qui agissent en complémentarité dans un même but : le patient. Le constat de la force de cette chaîne est indéniable. Que l’on affronte une crise ou non.
On ne peut d’ailleurs que regretter des relents de « Directeur bashing ». Non, notre métier n’est pas le suivi de tableurs Excel. La « performance économique » n’est pas un but même si elle peut traduire la performance de la sécurité et de la qualité des soins. Nous avons avant tout choisi ce métier pour servir l’intérêt général, l’Hôpital Public et les patients.
Enfin, nous avons retenu ce thème pour inscrire cette performance hospitalière globale dans la durée. Les résultats de l’enquête que nous avons menée juste avant les élections présidentielles ont mis en lumière nos priorités et attentes pour atteindre cet objectif : financer durablement l’Hôpital Public, assouplir les règles, libérer les énergies, renforcer encore les liens entre établissements publics et avec les professionnels de ville, établir des schémas territoriaux des soins clairs, diminuer le recours à l’intérim médical, rendre l’Hôpital Public pleinement attractif. Des actions fortes dans la continuité du Ségur de la santé sont attendues.
Quels seront les temps forts de ces Journées ?
Tous ! Nous avons souhaité appréhender la notion de performance de manière globale. Le 2 juin, nous dévoilerons par exemple les résultats d'une enquête menée auprès de la profession sur la qualité de vie au travail. Le « prendre soin » du collectif - des collaborateurs et des managers – est un véritable enjeu. La bienveillance institutionnelle, le bien-être collectif sont fondamentaux. Ce sujet prend d’ailleurs une importance croissante dans les projets sociaux de nos établissements.
Alors que les informations anxiogènes se multiplient sur la fermeture de services d’urgence, quel est l’état d’esprit des Directeurs d’hôpital ?
Nous sommes naturellement combattifs pour défendre l’Hôpital, les valeurs du service public. Il ne faut toutefois pas cacher que cette crise longue ininterrompue marque profondément les hospitaliers, tous les hospitaliers. Il convient de souligner et saluer les avancées historiques du Ségur de la Santé sur ses versants ressources humaines et investissement. Toutefois, des inquiétudes s’expriment effectivement au sein de plusieurs territoires, chez les collègues, notamment liées à des fermetures de services.
Notre enquête a mis en exergue que sans verser dans le découragement, nous œuvrons pour contrer ces difficultés, en faisant des propositions constructives, évoquées précédemment. L’ordonnance du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics vient d’ailleurs bien souligner qu’un important travail de fond doit continuer à être mené pour solidifier l’Hôpital public et permettre aux professionnels de pouvoir pleinement et sereinement remplir leurs missions.
Qu’attendez-vous de la Ministre de la Santé ?
Le financement durable de l’Hôpital Public, les mesures évoquées précédemment portant notamment sur l’assouplissement des règles, la capacité d’agir et de donner toute la force aux structures publiques de porter leurs valeurs dans un écosystème concurrentiel, des schémas territoriaux des soins clairs et partagés, établis en liens étroits et nécessaires avec les ARS, …
Il est important de faire confiance aux acteurs de terrain. La capacité d’agir vite et d’innover à partir des territoires doit être amplifiée.
1 - Le 20 mai, le Centre Hospitalier de Decazeville a été la proie d’un violent incendie. Une soixantaine de patients a dû être évacuée. Suite à une exceptionnelle mobilisation, les services ont pu rouvrir quatre jours plus tard.