La recherche clinique prend ses marques dans les hôpitaux de proximité. Mais dans quelle mesure et dans quelles conditions peut-elle s’y développer? Christophe Misse, directeur du centre hospitalier Sud Essonne Dourdan-Etampes et ancien directeur de la recherche clinique à l’AP-HP nous livre son expérience sur le sujet…
Comment s’organisent les activités de recherche au sein de votre établissement?
Nous sommes un centre hospitalier de proximité, de taille moyenne et même si nous avons un large panel d’activités, nous disposons comme la plupart des CH de peu de moyens à consacrer à la recherche. Aussi, tout naturellement, nous nous appuyons sur l’organisation et l’infrastructure de notre CHU, en l’occurrence l’AP-HP, ainsi que sur le soutien du GIRCI (Groupement Interrégional de Recherche Clinique et d’Innovation). Nous profitons aussi des moyens mutualisés dans le cadre de notre GHT, le GHT Ile de France Sud. La recherche, et tout particulièrement la recherche clinique, requiert des ressources et des compétences rares. Cette mutualisation des moyens humains (techniciens de recherche clinique, infirmiers, ingénieurs…), des équipements, des ressources, via le GHT, est une véritable opportunité pour les établissements comme le nôtre de développer leurs activités de recherche.
Ces activités sont-elles en progression?
Nous sommes actuellement partie prenante de 18 recherches en cours. Avant 2015, cette activité était embryonnaire dans notre établissement. En 5 ans, nous avons participé à une trentaine d’essais cliniques dont 26 ont donné lieu à des publications scientifiques. Et cet essor fait de nous un acteur éligible à la participation à de nouveaux projets et au développement des nôtres. Pour la première fois, nous avons candidaté cette année au PHRC (Programme hospitalier de recherche clinique), un programme très sélectif habituellement réservé aux CHU, avec un projet de nos équipes sur les soins critiques.
Quelle est la part de votre budget consacrée à la recherche?
Depuis trois ans, nous répondons aux critères d’attribution des enveloppes MERRI par le ministère de la Santé. Soit une aide de 300 000 euros par an consacrée à la recherche. Nous avons ainsi pu financer l’embauche d’une infirmière dédiée à la recherche clinique qui aide à la mise en place des essais et à l’inclusion des patients. Cela nous a permis aussi de d’envisager nos propres programmes de recherche, mais nous ne disposons pas pour le moment de budget supplémentaire. Cependant, il faut aussi prendre en compte l’investissement temps/homme de nos équipes dans ces projets de recherche. De l’inclusion des patients, en passant par le recueil des observations et autres suivis, c’est une grande partie de leur temps de travail qui y est consacrée.
Quels sont aujourd’hui vos principaux champs de recherche et avec quels partenaires?
Les soins critiques (réanimation et surveillance continue) sont parmi les thèmes les plus porteurs de nos travaux. Nous avons ainsi contribué à des études sur le choc septique en réanimation. Nous participons aussi à des recherches en pédiatrie, urologie, néphrologie, maladies infectieuses… Nos principaux partenaires dans ce contexte sont l’AP-HP, certains autres CHU en province, et des industriels.
Quels sont les intérêts à développer la recherche en CH?
Les CH ont toute leur place dans la recherche clinique et elle gagne à y être développée. Tout d’abord parce que les patients des CH généraux sont de très bons candidats à l’inclusion dans les études car ils ne souffrent en général pas de pathologies complexes (sinon ils sont dirigés vers les CHU). Et de fait, ces patients y trouvent aussi leur avantage. Dans les services où sont menés des essais cliniques, nous avons noté un impact sur la qualité de la prise en charge des patients, du fait sans doute de l’attention particulière et de la rigueur que suscite la recherche chez les personnels médicaux et soignants. Elle est aussi pour les professionnels de santé un facteur d’attractivité.
Cependant la recherche en CH doit rester dans le cadre de ses moyens et de ses limites. L’hôpital de proximité est un lieu privilégié pour l’investigation d’essais cliniques, mais il n’est pas envisageable, dans un grand nombre de cas et sauf exception, qu’il en soit le promoteur, à savoir qu’il en assume la responsabilité et la gestion. Nous ne disposons pas en effet au sein de notre établissement des moyens et des ressources suffisantes en termes de pharmacovigilance et d’assurance qualité pour nous voir confier la promotion d’essais cliniques interventionnels ou à risque. Cette mission doit rester, dans la plupart des cas, réservée aux CHU. Nous pouvons toutefois mener à titre de promoteurs des essais à risques minimes.