Le Think Tank Économie Santé, développé par Les Echos Le Parisien Evénements, en collaboration avec Philippe Leduc, publie chaque année une recommandation issue de ses travaux. La recommandation 2022 porte sur la prévention en santé. Avec un appel à "créer un choc de cohérence et d’efficacité au plus près des citoyens en clarifiant le partage des responsabilités".
Les évolutions démographiques et épidémiologiques de notre pays appellent à développer massivement la prévention en santé. Pourtant, comme le regrettent les membres du think tank Economie Santé, "les mesures d’envergure ne sont toujours pas prises". Et de rappeler quelques constats douloureux : l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans en France est ainsi par exemple nettement inférieure à celle des pays nordiques et aussi à celle de l’Allemagne et du Royaume-Uni. Parmi les autre éléments préoccupants figurent des inégalités de santé élevées entre les territoires et entre les catégories socioprofessionnelles.
Si la France "n’a pas de culture de prévention", certaines actions ont été développées mais, note le Think Tank "en ordre trop dispersé, si bien que l’efficacité et l’efficience ne sont pas au rendez-vous. La prévention concerne avant tout des déterminants (environnement, alimentation, habitat, conditions de travail, éducation, social) en dehors du système de soins. Ce dernier n’aurait qu’un impact limité, de l’ordre de 20 %".
De fait, les experts d'Economie Santé ont listé neuf conditions pour répondre à l'enjeu majeur d'une prévention efficace :
• Elle doit être soutenue par une volonté politique ;
• Globale, pour appréhender l’ensemble de la problématique sans impasse ni échappatoire ;
• Cohérente dans ses différentes actions ;
• Coordonnée entre les différents acteurs pour éviter les dispersions et les pertes d’énergie ;
• Priorisée et donc concentrée sur un nombre défini d’actions hiérarchisées dans le temps ;
• Au plus près des citoyens pour qu’ils se sentent concernés, touchés et impliqués, à l’inverse des plans nationaux sans relais dans les territoires ;
• Appropriée par le plus grand nombre de parties prenantes : Assurance maladie, complémentaire santé, collectivités territoriales, association santé, entreprises, etc.;
• Coordonnée au niveau national;
• Et enfin, le plus important, financée, pilotée et mise en œuvre.
Cinq propositions majeures
Fort de ces différents constats, le Think Tank Économie Santé propose cinq recommandations opérationnelles "pour compléter, enrichir et surtout rendre plus efficaces les actions actuelles de prévention."
La première appelle à un changement "d’échelle et surtout d’organisation pour obtenir plus de cohérence, de constance et d’efficacité en actionnant tous les leviers de manière coordonnée et synergique, au plus près des citoyens, en impliquant tous les acteurs potentiels en assemblant, valorisant et contractualisant leur rôle."
1 - A partir des territoires, clarifier les responsabilités et le pilotage
La prévention sera d’autant plus efficace qu’elle sera proche des citoyens, les impliquant concrètement dans leur milieu de vie et non pas de manière désincarnée tombant d’en haut sans adaptation aux réalités locales.
La détermination des besoins en prévention sur chaque territoire doit être faite par les pouvoirs publics et donc les Agences régionales de santé (ARS) en mobilisant les données de santé avec les Observatoires régionaux de santé (ORS) et les registres des équipes universitaires de santé publique. Avec un focus sur les inégalités de santé. Les relations avec les collectivités territoriales doivent être renforcées, notamment avec les élus locaux fortement mobilisés pour faciliter le dépistage et la vaccination pendant la crise sanitaire. Sur chaque territoire, c’est à eux qu'il revient de prioriser, organiser, coordonner et contractualiser les actions de prévention. De fait, les sujets d’intervention en dehors du système de soins sont nombreux : environnement, aménagement de l’espace public, exercice physique, alimentation, habitat, mobilités, conditions de travail, éducation, conditions sociales, repérage des fragilités chez les personnes âgées ou non, etc. L’objectif est de fédérer tous les professionnels et les acteurs de santé ou non : échelons locaux de l’Assurance maladie, organismes complémentaires, entreprises, associations, etc. Le think tank appelle aussi à la création d’une Délégation interministérielle à la prévention auprès du Premier ministre qui veillerait à ce que la prévention en santé soit intégrée dans toutes les politiques publiques via les mesures d’impact.
2 - Sanctuariser le financement
Alors que tout le monde s’accorde sur une réforme de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), qui doit mieux prendre en compte les besoins de santé, un volet prévention doit être inclus de manière explicite en fonction des objectifs. D'autre part, la pluriannualité de l’Ondam est une condition pour protéger les dépenses de prévention.
3 - Impliquer les citoyens en rénovant la démocratie sanitaire
Cinq propositions d'actions sont ici détaillées par le think tank :
- Organiser des débats publics et des conférences de consensus locales sur le choix et la priorisation des actions et aussi pour sensibiliser et impliquer les citoyens.
- Simplifier et rendre plus accessibles toutes les démarches de prévention.
- Utiliser davantage les sciences cognitives pour améliorer l’acceptabilité sociale et donner envie d’agir.
- Créer des alliances pour la prévention.
- Développer la culture de prévention le plus précocement possible à l’école, au collège et au lycée. Les jeunes étant à la fois la cible et le vecteur de prévention. Le service sanitaire des étudiants en santé lancé depuis la rentrée 2018 pour les 47 000 étudiants en santé dans le but de promouvoir les comportements favorables à la santé est un bon exemple qu’il faut renforcer.
4 - Mobiliser le système de soins
Cet axe propose des rendez-vous réguliers de prévention avec les professionnels de santé, le renforcement de la prévention dans la formation de tous les professionnels de santé, l'accélération de la réforme des Services de prévention et santé au travail et mettre un terme à la paupérisation de la médecine scolaire et universitaire.
5 - Innover avec le numérique en santé
Enfin, le numérique en santé et l’intelligence artificielle (IA) pourraient personnaliser la prévention en santé - par exemple en créant un clone numérique dans « Mon Espace santé » valorisant les bienfaits de la prévention -, anticiper les risques individuels avec des parcours adaptés ou des plans personnalisés de prévention numériques ou encore rassembler en un seul lieu toutes les informations sur la prévention en santé.