Après plusieurs mois d'une guerre juridique, la demande de scission, via certains actionnaires, du Groupement de coopération sanitaire (GCS) Clinique de Champagne avec le centre hospitalier de Troyes a été rejetée. Une crise dans la crise sanitaire qui commençait à peser sur le bon fonctionnement des services.
A l’heure où la politique publique de santé chante les louanges du rapprochement ville-hôpital, certaines unions font entendre des couacs. Il est en a été ainsi du Groupement de coopération sanitaire (GCS) Clinique de Champagne. Depuis la fin 2020, des actionnaires minoritaires demandaient le divorce au centre hospitalier de Troyes, son actionnaire majoritaire. Plusieurs mois de procédure ont dès lors opposé les deux parties avant que le jugement soit rendu début avril rejetant cette demande de scission et levant les menaces qui planaient sur le bon fonctionnement des activités de l’établissement.
Retour sur la chronologie des événements
En Mars 2018, outre la signature de la convention d’adhésion de la Clinique de Champagne au GHT de l’Aube et du Sézannais est signé un protocole d’accord sur la constitution d’un groupement de coopération sanitaire (GCS). Et le 16 mai 2018, le GCS est créé par la signature de sa Convention Constitutive entre le centre hospitalier de Troyes, la SA clinique de Champagne, le GCS Plate-Forme d’Aval sur le Territoire Champagne Sud et le Groupement des médecins libéraux de la clinique de Champagne.
Le 21 juin 2018, l’ARS Grand Est délivre l’arrêté d’Approbation de la Convention Constitutive du GCS Clinique de Champagne.
Le 30 juillet 2018, la SA Clinique de Champagne vend ses autorisations et tous les moyens nécessaires à leur exploitation (15 millions d’euros).
Au 2ème semestre 2020, les anciens actionnaires médecins de la Clinique de Champagne, commencent d’abord en interne puis en externe, de sortir du projet initial de coopération sanitaire pour promouvoir un projet de retour à un fonctionnement indépendant et refuser les coopérations avec le centre hospitalier de Troyes.
En décembre 2020, suite à des irrégularités, l’Assemblée Générale à démet de sa fonction d’administrateur délégué, l’ancien Président de la SA Clinique de Champagne
Hervé Soufflet, directeur du GCS Clinique de Champagne, revient sur cet épisode de crise...
Fin 2020, le torchon s’est mis à brûler entre le GCS Clinique de Champagne et le centre hospitalier de Troyes. Pourquoi?
Le conflit n’est pas entre le GCS Clinique de Champagne et le CH de Troyes, mais entre des actionnaires minoritaires du GCS, anciens dirigeants de la Clinique, et l’actionnaire principal, l’hôpital.
En prenant mes fonctions début janvier 2021, j’ai constaté en effet cette situation très difficile et ne voyais pas vraiment ce qui pouvait la justifier, les chirurgiens libéraux conservaient leur accès au bloc opératoire, la maternité était soutenue dans son fonctionnement et les médecins libéraux pouvaient continuer à ausculter et hospitaliser comme par le passé.
En fait, c’est une fois dans la structure que j’ai pu comprendre que le véritable problème était la perte de pouvoir d’administration et de gestion de la clinique par le petit groupe de médecins actionnaires de l’ancienne clinique qui ont vendu leur établissement. Passer de propriétaires à utilisateurs (professionnels de santé) est un profond changement.
Comment dès lors avez-vous réagi en concertation avec la direction du CH de Troyes ?
Ma mission lors de mon recrutement était claire, donner les moyens au GCS de Champagne de mettre en œuvre le projet de santé qui a été présenté à l’ARS et qui a permis d’en valider sa création. Afin de ne pas dévier de cet objectif, il faut impérativement rétablir le fonctionnement et le management du GCS. Face aux réticences, j’ai privilégié l’information et de la pédagogie auprès des personnels et des médecins et fait entendre les obligations légales et réglementaires que nous avons vis à vis de l’ARS.
Quelles conséquences cette crise a-t-elle eu sur l’ambiance de travail, l’activité de l’établissement et la prise en charge des patients ?
Ce serait mentir que de dire, que cette situation étalée au grand jour n’a pas de conséquence sur l’activité et la prise en charge des patients, ne serait-ce que par l’anxiété du patient qui craint de trouver un accueil compliqué. Cela étant, la justice a tranché et nous pouvons désormais aller de l’avant. L’objectif est de définir rapidement un nouveau projet d’établissement, conforme à l’ambition d’origine : développer l’établissement grâce à une meilleure coopération avec l’hôpital et les autres acteurs sanitaires du territoire.
En tout état de cause, nos professionnels sont extrêmement consciencieux et savent faire abstraction de leurs soucis quand ils effectuent des prises en charge. Dans cette période Covid où l’activité hospitalière doit se gérer en concertation avec les autres établissements publics et privés, je participe aux réunions hebdomadaires de l’ARS qui visent à coordonner les prises en charge.
Quelle est aujourd’hui la situation ? Dans quel état d’esprit se trouvent les équipes ?
Nous avançons calmement et sereinement pour rétablir une organisation rationnelle capable de reprendre la gestion opérationnelle de cet établissement, ensuite de quoi nous allons finaliser et mettre en œuvre le projet médical d’établissement qui a prévalu à la création du GCS, la collaboration, le rapprochement d’activité pour conforter et développer les différentes filières médico-chirurgicales, l’accès au robot chirurgical et favoriser l’attractivité médicale sur le département. .
Cette crise était-elle évitable ? Quels enseignements sont à en tirer ?
Je pense que malheureusement il est impossible de se dire que l’on aurait pu éviter cette situation. Tout rapprochement, toute construction collective repose sur des hommes dont on ne connait pas les profondes intentions.
La construction et le fonctionnement d’un Groupement de Coopération Sanitaire nécessite que les parties qui se rapprochent acceptent leurs différences et en fonction de celles-ci acceptent des compromis pour un projet commun. Si l’écriture juridique de ces collaborations essaie de prévoir les risques et d’en gérer les conséquences, elle ne peut en interdire la survenance parce que derrière ces constructions juridiques, il y a toujours des hommes et des femmes.
Notre volonté est d’aller de l’avant, de préparer l’avenir du GCS. Et au XXIème siècle le futur d’un établissement ne se construit pas sur des individus et des intérêts particuliers. Il se bâtit autour d’un projet, en coordination avec les autres acteurs du territoire.