Les 29es Journées de l’Association des directrices et directeurs d’hôpital (ADH) les 13 et 14 octobre derniers, consacrées à l’hôpital durable et à "repenser le roseau pansant", ont été aussi l’occasion de fêter les 60 ans de l’Association. Un moment choisi pour faire le point avec Vincent Prévoteau son président.
" Vers un hôpital durable… repenser le roseau pansant" : pourquoi avoir choisi ce thème central pour ces 29e Journées de l’ADH?
L’hôpital public prend et doit prendre en compte le respect de l’environnement dans son action et son organisation. La démarche est engagée dans beaucoup d’établissements publics de santé et elle mérite d’être renforcée, structurée et fédérée. C’est un des axes de réflexion de ces 29èmes journées.
Au-delà de la dimension écoresponsable, l’intitulé de ces 29es Journées interpelle aussi au premier sens du terme sur l’importance de «faire durer» l’hôpital. Faire que cet écosystème, un des piliers de notre République, puisse subsister et renforcer sa place. L’hôpital, tel le roseau, a montré face à la pandémie de la COVID qu’il a été capable de «plier sans rompre». Ce, grâce à l’engagement des hommes et des femmes qui font sa force et ses valeurs, mais aussi du fait de la très grande capacité d’adaptation et de réaction dont il a fait preuve. Et il est crucial, dans l’élan des enseignements de cette crise, de maintenir et développer cette souplesse, cette capacité d’action rapide fondée sur les réalités et les besoins des patients et des territoires. Les leviers peuvent être divers. Mais il est essentiel de poursuivre et d’amplifier la simplification administrative et décisionnelle pour donner aux acteurs de terrain des capacités d’actions pour assoir la durabilité du «roseau pansant».
Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur le management hospitalier?
Pour faire face à la pandémie, les modalités décisionnelles internes et externes se sont trouvées naturellement raccourcies, en lien avec les équipes médicales et soignantes et avec les Agences régionales de santé pour nous permettre de réagir et d’agir plus vite et efficacement. Cette crise a souligné l’importance de la proximité dans la co-construction pour répondre le mieux et le plus rapidement possible aux attentes de chacun et avant tout à celles des patients.
Comment la démarche écoresponsable prend-elle forme aujourd’hui au sein des hôpitaux publics?
Bilan carbone, traitements des déchets, recyclage, etc… De nombreuses initiatives fleurissent depuis quelques années déjà au sein des établissements. Certains ont même intégré cette dimension et des actions dans leurs projets d’établissements. Les enjeux sont nombreux aujourd’hui telle que, pour exemple, la gestion des déchets alimentaires. Mais force est de souligner que beaucoup d’établissements ne disposent pas de ressources en interne pour développer ce type de projets. Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) peuvent encore là être le terreau d’une territorialisation et d’une politique écoresponsable soutenue dans le cadre d’une politique nationale.
Le chantier de l’hôpital numérique reste dans ce contexte une étape indispensable. Quel regard portez-vous sur son avancée?
La crise sanitaire a été sans conteste un puissant accélérateur du développement numérique en santé. Le déploiement de la téléconsultation en a été une des illustrations les plus spectaculaires. Ce sont autant d’avancées précieuses pour optimiser les parcours de soins des patients et qu’il faut pérenniser absolument. Des avancées qui vont également dans le sens des politiques écoresponsables.
L’ADH fête ses 60 ans ? Que dire du chemin parcouru?
L’Association des directeurs d’hôpital a été créée à l’origine par une poignée d’anciens élèves avec pour principal objectif la reconnaissance du métier et la participation au débat public. J’ai une pensée toute particulière pour Robert Chalavet, un des pionniers avec qui j’ai échangé récemment. 60 ans plus tard, l’ADH compte près de 1300 membres et participe, en étant très attachée aux valeurs qu’elle porte et défend, aux travaux sur les enjeux du monde hospitalier. On peut noter, entre autres, parmi ses dernières contributions : son implication dans l’élaboration du Rapport Thiriez pour la modernisation de la haute fonction publique, sa participation au dispositif égalité des chances, aux travaux de la mission menée par le Professeur Claris sur la gouvernance et la simplification hospitalière… Preuves que l’association conserve toujours son ADN de laboratoire d’idées, tant pour promouvoir le métier, spécifique, de directeur d’hôpital que pour participer aux réflexions pour donner au roseau pansant sa nécessaire force et vigueur. Et ainsi depuis 60 ans, dans un souci de transmission, des femmes et des hommes font vivre notre association et les valeurs qu’elle porte.
A l’approche de la campagne présidentielle, quelles sont les principales attentes des directeurs d’hôpital?
La « durabilité du roseau pansant » est bien un enjeu majeur des années à venir et donc un des éléments du débat des futures élections présidentielles. L’hôpital public a durant la crise bien démontré une fois encore la place qui est la sienne ainsi que sa force de réaction opérationnelle et d’adaptation. Mais cette crise est venue souligner la fragilité du roseau. Nous soulignons les avancées du Ségur de la santé tant dans son volet attractivité que dans son volet investissement.
Cependant, les enjeux pour notre système de santé restent d’importance. Un des exemples actuels est l’application de la PPL Rist. Il est fondamental de stabiliser, de renforcer nos équipes médicales et d’assurer d’autres voies évitant le mercenariat médical. Cette mise en œuvre doit être accompagnée par d’autres mesures, telles que la Prime de Solidarité Territoriale (PST) ou les recrutements contractuels.
Encore une fois, la simplification et la souplesse doivent être des leviers de modernisation de l’organisation hospitalière, tant en interne que dans sa dimension territoriale. Il est essentiel que cette souplesse et cette capacité d’action rapide que nous avons nourries durant la crise puissent encore se poursuivre et se développer. L’hôpital est un maillon fort de la République, que nous désirons, en lien avec les autres acteurs hospitaliers, continuer à servir pour en assurer la pérennité. Et ce, en reconnaissant la place de chacun dans l’action collective que nous menons. Sans opposer des métiers qui ont leur spécificité et leurs responsabilités propres mais en soulignant leur complémentarité au service des patients qui font confiance à son haut niveau de soins et d’expertise.