Cinq ans après leur création, les groupements hospitaliers de territoire (GHT) ont fait progresser l’offre de soins, tout en se stabilisant dans leurs compétences et leurs périmètres, estime la Conférence des directeurs généraux de CHU qui publie un bilan étayé et encourageant sur ces nouveaux bastions de l'organisation sanitaire.
Mis en œuvre en 2016, les groupements hospitaliers avaient pour vocation de répondre aux problématiques de désertification médicale tout en prenant en compte les besoins de regroupement des moyens médicaux au sein des territoires de santé. Et ils ont pour le moins bien avancé leur mission. «Malgré d’importantes disparités de contexte et les difficultés rencontrées, il est manifeste que les GHT ont fait significativement progresser les coopérations hospitalières, plus rapidement que n’ont pu le faire les précédentes tentatives soutenues par le législateur. Cinq ans après leur déploiement et à l’épreuve de la crise, les GHT ont démontré leur vocation à aménager le territoire de santé, a fortiori quand l’établissement support est un CHU», observe Marie-Noëlle Gérain-Breuzard, présidente de la Conférence des directeurs généraux de CHU, en préambule du rapport qui leur est consacré.
Le constat partagé par la Conférence est que les GHT constituent aujourd’hui un ensemble propice au développement de solutions territoriales innovantes, garantes d’une offre de soins graduée et pérenne au service de la population. Avec ce dossier, elle souhaite partager l’expérience concrète des professionnels des CHU dans la construction dynamique des GHT pour mieux accompagner et approfondir leur évolution.
L’organisation des activités médicales et soignantes au sein du GHT Renforcer la qualité, la sécurité
et la continuité des soins
Le GHT doit traduire un ensemble hospitalier complet, recouvrant les missions de proximité mais aussi de recours, notamment en cas d’arrimage à un CHU, et d’aval (SSR, SLD a fortiori en cas de participation des Ehpad à l’ensemble). La télémédecine développée dans les établissements permet d’accéder à l’expertise en proximité, facilitant la couverture territoriale des zones les plus éloignées des soins.
Cet ensemble cohérent et complémentaire se structure depuis 2016, au travers des filières de prise en charge qui se sont progressivement organisées. La mise en place de la CMG, dès début 2022, nouvelle instance en charge d’élaborer le projet médical de territoire pour permettre de franchir une nouvelle étape dans la structuration des organisations médicales territoriales et la graduation des soins.
La constitution de filières médico-soignantes territoriales est l’objectif premier assigné aux GHT à travers le projet médical, voire médico- soignant, partagé.
Des projets médicaux déjà structurés
Si le GHT est parfois associé aux restructurations, l’observation effective de son activité permet d’aboutir à un résultat opposé à cette approche. En effet, un certain nombre d’établissements de petite taille et en difficulté ont vu leur activité se poursuivre grâce au soutien du GHT. Il a permis de spécialiser les filières et donc de renforcer l’expertise médicale et soignante des équipes. Sans l’intégration aux GHT, ces structures auraient probablement fait l’objet d’une restructuration plus forte.
La gradation et la qualité des soins constituent les enjeux majeurs de l’approfondissement des GHT. Les CHU se sont fortement engagés depuis 2016 pour mailler le territoire en ressources médicales, autant que leurs capacités en ressources humaines l’ont permis. Ils ont souvent bénéficié du soutien des ARS (par exemple le dispositif des assistants à temps partagé). Cet engagement a permis de maintenir de nombreuses offres de soins et de rehausser la qualité des soins. Exemples :
- Prise en charge post-AVC (GHT de Maine-et-Loire)
- Consultations avancées (GHT Dijon Bourgogne)
- Parcours d’admission directe (GHT Touraine Val-de-Loire)
- Réseau de prévention du risque infectieux dans les Ehpad (GHT Cévennes-Gard-Camargue)
- Equipe de territoire pour personnes âgées (GHT Rouen Cœur de Seine)
- Pôle interétablissements (GHT Est-Hérault et Sud-Aveyron)
- Développement des pratiques de télémédecine (GHT Alpes Dauphiné)
- Sécurité des prises en charge en urgence (GHT Haute-Bretagne)
Répondre aux problèmes de démographie médicale
La gestion des ressources humaines médicales et non médicales est un enjeu fort pour les GHT sur lequel les CHU sont fortement attendus. Cet axe va se développer avec les textes récemment parus sur la mise en place de la CMG et la réorganisation des remplacements médicaux (mise en œuvre de l’article 33 de la loi Rist (4)), encourageant une véritable harmonisation des pratiques. Pour autant, les CHU ont d’ores et déjà engagé des travaux importants sur ces sujets de coordination territoriale et de démographie médicale.
Pionnier, le CHU de Tours, en partenariat avec la faculté de médecine, l’ARS et la FHR, a organisé dès 2016 les premières conférences hospitalo-universitaires du Centre Val-de-Loire, réunissant les responsables médicaux des cinq GHT de la région et les coordonnateurs universitaires de leur discipline. Ces conférences se sont développées et ont permis de renforcer les liens pour concevoir en commun une stratégie régionale. Ces rencontres ont débouché, au-delà d’un certain nombre de conventions, sur l’organisation des filières de soins vers les spécialités et le recours, l’ébauche d’une gestion prévisionnelle de la démographie médicale, la construction de politiques régionales de formation médicale et de recherche clinique.
Fonctions supports du GHT : un partage d'expertises et de ressources
Le déploiement des fonctions supports du GHT (achats, systèmes d’information, coordination de la formation initiale et continue, DIM de territoire) a nécessité une forte mobilisation des CHU et plus largement des établissements supports, au regard des échéances calendaires resserrées imposées aux établissements dans la première phase de mise en place des GHT.
Le constat de l’hétérogénéité des GHT en matière d’organisation support s’explique en grande partie par l’histoire des hôpitaux marquée par une forte culture de l’autonomie. Les GHT ont permis d’amener une "convergence progressive" de ces organisations, dans l’intérêt des parcours de soins des patients.
Au-delà des seules fonctions supports, les CHU ont, à travers la crise du Covid-19, acquis avec succès un véritable rôle "d’animateur territorial de crise" permettant d’envisager de nouveaux développements des GHT.
Parmi ces fonctions, celle des achats est régulièrement questionnée. Si les premiers constats documentés par la DGOS laissent à penser que les établissements parties en tirent un bénéfice financier supérieur à celui de l’établissement support, il convient d’insister sur le partage d’expertise que permet la mutualisation de cette fonction. Ce partage est d’autant plus précieux pour les plus petits établissements qui ne disposent pas nécessairement d’experts (acheteurs professionnels) ou d’une surface d’achats suffisamment conséquente pour peser vis-à- vis des prestataires. Le dimensionnement du GHT tend à questionner ce rapport de force.
La mutualisation des achats à l’échelle du GHT s’est largement déployée depuis le 1er janvier 2018, date de mise en œuvre de la fonction achat de territoire.
L’établissement support est désormais chargé de piloter les achats pour l’ensemble des établissements composant le GHT et dispose seul de la qualité de pouvoir adjudicateur. Il élabore chaque année un plan d’action achat de territoire qui fait l’objet d’un suivi de performance, au travers notamment des gains achats estimés et effectivement réalisés.
De nouvelles organisations ont été mises en place, nécessitant un fort accompagnement au changement des équipes concernées et, dans la majorité des GHT, l’identification de référents achat au sein des établissements parties chargés de favoriser les interfaces entre leur structure et la direction des achats de territoire.
Ces organisations reposent, soit sur une centralisation de la fonction achat, soit sur une délégation au sein du GHT, fondée sur les filières d’achat et/ou des seuils de dépense.
Une nouvelle forme de gouvernance
Le nouveau visage des Comissions médicales de groupement (CMG) des GHT est en cours de stabilisation, concomitamment au renouvellement des CME, et avec en toile de fond la refonte des conventions constitutives des GHT. La"mue" des collèges médicaux au profit des CMG ne sera pas neutre dans les équilibres entre disciplines (MCO, psychiatrie, SSR, ainsi que la représentation des sages-femmes) à l’échelle d’un territoire, avec des conséquences évidentes sur l’offre de soins en région.
La réflexion autour des GHT emporte par ailleurs une réflexion sur la relation entre les établissements et les ARS, notamment au regard du rôle de garant de la pertinence des GHT qui incombe aux agences. Cette relation est en évolution rapide à l’issue du Ségur de la santé, notamment par le biais de l’entrée au CA des ARS des élus locaux et des possibilités de financement accrues en matière d’investissement hospitalier. Dans cet environnement, la relation élus locaux/ARS/GHT constitue un niveau de gouvernance essentiel. Elle relève du renforcement du rôle du comité des élus au sein des GHT. «Les garants de l’intérêt général, qui ne peut se résumer par la somme des intérêts particuliers, doivent dans cette relation apporter expertise, mobilisation et objectivité. Cette implication passe par un besoin de réalisme pressant, et ce au regard des possibilités de l’offre de soins et des besoins des populations. Les CHU s’inscrivent pleinement dans cette démarche», observe, en conclusion la Conférence des directeurs généraux de CHU.