Dossier spécial : « Aider les CH et les GHT à investir la recherche, c'est un peu l'obsession du CNCR » Pr. Antoine  Magnan

Dossier spécial : « Aider les CH et les GHT à investir la recherche, c'est un peu l'obsession du CNCR » Pr. Antoine  Magnan

Pr Antoine Magnan, Président-Administrateur du Comité National de Coordination de la Recherche ©CNCR

La recherche, n’est pas l’apanage des seuls CHU ! De nombreux Centres Hospitaliers (CH), supports de Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) ou non, sont engagés dans cette activité. Le Comité National de Coordination de la Recherche (CNCR) est là pour les soutenir et les accompagner. En poste depuis quatre ans, le Pr Antoine Magnan, Président-Administrateur de ce Groupement de coopération sanitaire présente les atouts des Centres hospitaliers dans ce domaine et détaille les mesures déployées par le CNCR pour susciter des vocations. Il a répondu aux questions de RESEAU HOPITAL & GHT.

Comment se présente la recherche en CH ?

Pr Antoine Magnan : Il est difficile d’avoir une vision globale de l’activité de recherche en CH tant les établissements sont hétérogènes, et leurs envies et leurs capacités variables. Il est cependant possible d’avancer quelques chiffres. Sur les 1 284 programmes hospitaliers de recherche clinique nationaux interrégionaux et cancer, retenus de 2014 à 2019, les CH en comptabilisent 27 (17 nationaux, 9 interrégionaux et 1 en cancer).

Les CH sont aussi des centres investigateurs pour des projets de recherche clinique à promotion industrielle. Une enquête réalisée en 2015 par la Conférence des Présidents de CME de CH conduite auprès des 60 établissements les plus importants membres de la Conférence montre une activité d’investigation non négligeable. Les résultats font état de plus de 300 études menée entre 2011 et 2015. Un tiers d’entre elles sont financées par des promoteurs industriels du médicament ou du dispositif médical. Ils prennent en charge les coûts et surcoûts liés à la réalisation de la recherche dans l’établissement comme par exemple le temps de technicien d’études cliniques. Ce chiffre a tendance à augmenter. Ainsi en 2018,  le recensement officiel du nombre de conventions uniques à promotion industrielle établi par la DGOS répertorie 259 contrats signés en CH sur un an.

Certains CH sont eux-mêmes promoteurs de projets de recherche et financent des essais cliniques pilotés par leurs médecins. Leur nombre est limité à 16 CH toujours selon l’enquête des Présidents de CME de CH. Cette activité est encore peu développée car très dépendante de l’état de maturité de la recherche clinique de l’établissement et de son degré de structuration notamment en personnel de recherche clinique dédié.

Quant aux GHT, nous n’avons pas de chiffre mais au CNCR, nous sommes convaincus que leur réussite passe par la réussite de la recherche au sein des groupements et entre les groupements.

Pour quelles raisons l’essor du GHT est-il lié à celui de son activité recherche ?

A.M. : Je travaille depuis 4 ans sur le parcours recherche du patient, du domicile à la médecine de ville et de la ville à l’hôpital. Force est de constater que la recherche est un triple levier d’attractivité. En premier pour les praticiens car chacun sait que ce qui retient le praticien hospitalier à l’hôpital public, c’est le travail d’équipe et la recherche. Pour les patients ensuite qui considèrent l’accès en proximité aux essais cliniques et aux médicaments innovants comme un facteur important d’égalité des soins. Et enfin pour l’industrie pharmaceutique qui considèrent ces nouveaux acteurs de la recherche de potentiels partenaires pour leurs essais thérapeutiques, au plus près des patients. Là, les GHT ont une carte à jouer car les laboratoires ont besoin de cohortes multicentriques importantes et de patients présentant plusieurs pathologies comme dans la vie réelle. Cette recherche observationnelle, menée notamment en phase 4, apporte des indications précieuses sur l’efficacité du médicament et sur les effets secondaires.

Alors que faut-il faire pour révéler ces potentiels ?

A.M. : Les GHT ont mené à bien l’élaboration de leurs projets médicaux partagés mais le volet recherche n’est pas encore mis en œuvre. Sur le terrain, nous avons pu constater un certain nombre de freins. D’abord le temps médical. Pour lancer des études, il faut de la disponibilité. Or les médecins sont tellement pris par leur activité clinique qu’il leur est difficile de s’investir ailleurs. L’établissement doit aussi disposer d’une organisation somme toute assez lourde, c’est là que le GHT peut exprimer son apport au collectif. La délégation à la recherche clinique et à l'innovation (DRCI) d’un établissement support, lorsqu’elle existe, peut aider un établissement du groupement à mettre le pied à l’étrier, par exemple en détachant un attaché de recherche clinique.

Le CNCR a aussi un rôle à jouer. Au niveau national nous sommes une courroie de transmission entre les hôpitaux, les ministères et la DGOS. Il y a aussi reconnaissons-le quelques verrous réglementaires que nous aimerions faire sauter comme par exemple l’impossibilité d’ouvrir plusieurs centres pour un même essai sans avoir un contrat par centre.

Pour enclencher la dynamique sur le terrain, le CNCR vient en appui auprès de ses membres dans le cadre de la formation du personnel à la recherche clinique. Nos équipes se déplacent pour évaluer les besoins, les organisations, et concevoir des programmes de soutien. Sur notre site internet nous répertorions les établissements qui font de la recherche et leur domaine d’expertise ; un répertoire précieux pour les laboratoires en quête de nouveaux partenaires

La recherche : peut-être aussi un remède au mal-être des médecins hospitaliers ?

A.M. : La recherche tire le soin vers le haut et le soin enrichit la recherche. Au CNCR nous pensons que la recherche est un facteur d’épanouissement des praticiens. La recherche apporte des satisfactions intellectuelles et une reconnaissance par la valorisation des travaux. Travailler sur des études épidémiologiques, initier ou participer à la création d’une cohorte donnent un sens à la pratique médicale. Cela peut-être aussi un remède au mal-être des médecins hospitaliers.

Surtout, la recherche apporte des nouvelles thérapeutiques aux malades. Le médecin qui s’engage dans cette voie s’inscrit dans la grande aventure collective de la production de connaissances scientifiques pour le bien de tous. Pour que notre conviction soit partagée par le plus grand nombre nous avons besoin de démonstrateurs qui présentent les initiatives, éveillent l’envie et le plaisir de se surpasser.

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Exemples de recherches conduites en CH

• KBP-ESCAP-2020 : "Recueil des nouveaux cas de cancer bronchique primitif (CBP) diagnostiqués pris en charge dans les services de pneumologie et d’oncologie des centres hospitaliers", Dr Didier Debieuvre, porté par le Collège des Pneumologues des Hôpitaux Généraux et le CH de Mulhouse.

• NEHOTEL : "Dispositif d’hospitalisation de semaine précoce en oncologie pour pré-habiliter le malade face au risque de dénutrition", Sif El Hak Bendjaballah, CH de Beauvais.

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A noter qu’il n’a pas été question dans cet article de la recherche en soins infirmiers et paramédicale. Cette activité relève de la Commission Nationale des Coordonnateurs Paramédicaux de la Recherche (CNCPR)

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